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HEUREUSE INFORTUNE

d’une maison et une grande roue à aubes, éparpillant des diamants au soleil, se montrèrent dans l’étroite ouverture de la gorge ; et au même instant la musique ronflante de la scierie commença à rompre le silence.

Entendant le bruit de leurs pas, le scieur se montra à sa porte, et, ainsi qu’Othon lui-même, fit un mouvement de surprise.

— Bonjour, scieur ! dit le prince, il paraît que vous aviez raison et que j’avais tort. Je vous en apporte la nouvelle et vous conseille d’aller à Mittwalden. Mon trône s’est écroulé (grande en fut la chute !) et vos bons amis du Phénix sont à présent au pouvoir.

La figure rouge du scieur prit une expression de suprême étonnement. — Et Votre Altesse ?… fit-il d’une voix entrecoupée.

— Mon Altesse se sauve, dit le prince, droit à la frontière.

— Vous quittez Grunewald ! s’écria l’homme. Le fils de votre père… ce n’est pas chose à permettre !

— Alors vous nous arrêtez, l’ami ? demanda Othon en souriant.

— Vous arrêter, moi ! se récria l’homme. Pour qui Votre Altesse, me prend-elle ? Mais, Monseigneur, il n’y a pas âme qui vive en Grunewald capable de mettre la main sur vous… Ça, je vous le certifie.

— Oh ! que si ! Bien des gens, au contraire, bien des gens. Mais de vous, qui m’avez montré tant de hardiesse au temps de ma puissance, j’attendrais plutôt de bons offices aujourd’hui dans ma détresse.