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il s’était creusé un chemin au travers de la roche intraitable, et maintenant, soufflant comme un dauphin, s’en élançait par l’orifice ; le long de ses humbles rives il avait miné les gros arbres forestiers à leur base, pour les emporter en radeaux, et dans ces rudes clairières, il avait introduit et cultivé des plates-bandes de primevères, planté des bocages de saules, et accordé sa faveur aux bouleaux argentés.

C’était parmi ces aimables décors que le sentier, compagnon civilisé du torrent, faisait descendre nos deux voyageurs : Othon passant le premier, mais s’arrêtant toujours aux endroits les plus difficiles pour prêter son assistance, et la princesse le suivant. De temps à autre, quand il se retournait pour l’aider, le visage de Séraphine s’illuminait à la vue du sien, ses yeux presque désespérés l’appelaient amoureusement. Lui, il voyait, mais n’osait comprendre. « Elle ne m’aime pas, se disait-il avec magnanimité… ce n’est que le remords, que la reconnaissance… ce ne serait pas d’un galant homme, ce ne serait pas même d’un homme loyal, de présumer de ces concessions compatissantes. »

À quelque distance, sur la descente du vallon, le torrent déjà assez puissant se trouvait soudainement barré par une digue grossière, et un tiers environ de ses eaux était détourné par une conduite de bois. L’onde limpide, cousine germaine de l’air, courait gaiement le long de ce rude aqueduc dont elle avait tapissé les flancs et le fond de plantes vertes. Le sentier, lui tenant compagnie de près, s’allongeait entre les églantiers et les roses sauvages. Bientôt, un peu à l’avance, le toit brun