Page:Stevenson - Le Roman du prince Othon.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE IV

ENFANTS PERDUS


Pendant que les pieds du prince couraient ainsi à toute vitesse, son cœur, qui d’abord avait de beaucoup devancé sa course, commençait à faiblir. Non pas qu’il eût cessé de s’apitoyer sur le malheur de Séraphine, ni qu’il ne désirât moins fiévreusement la revoir, mais le souvenir de sa froideur inexorable s’était réveillé en lui, et avait réveillé à son tour le manque d’assurance qui lui était habituel.

S’il avait accordé à Sir John le temps de tout dire, s’il avait seulement su qu’elle se dirigeait en toute hâte vers le Felsenburg, il serait allé à sa rencontre avec ardeur. Mais dans les circonstances actuelles il commençait à se voir lui-même jouant encore une fois son rôle d’intrus, ayant l’air peut-être de profiter du malheur de sa femme et d’offrir, maintenant qu’elle était tombée, des caresses odieuses à celle qui, en temps prospères, l’avait repoussé avec mépris. Les plaies de sa vanité recommençaient à lui cuire ; de nouveau sa colère accaparait les façons d’une générosité hostile : oui, sans doute, il pardonnerait, il pardonnerait tout à