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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

berline ? demanda la comtesse en étouffant un bâillement avec beaucoup de grâce.

— Ma foi, oui : la conversation fut des plus agréables. Mais nous prîmes ensemble un verre de plus peut-être que ce brave garçon de prince n’a coutume de boire, dit le gouverneur, et je m’aperçois que ce matin il n’a pas toute sa vivacité ordinaire… Mais nous le regaillardirons avant la soirée. Voici sa porte.

— C’est bien, lui dit-elle tout bas, laissez-moi reprendre haleine… ! Non, non, attendez ! Tenez-vous prêt à ouvrir la porte !

Et la comtesse, se redressant comme sous une inspiration, développa sa belle voix dans Lascia ch’io pianga. Quand elle fut arrivée au point convenable et qu’elle eut donné un essor lyrique à ses soupirs pour la liberté, sur un signe d’elle la porte fut ouverte toute grande, et l’œil brillant, le teint un peu relevé par l’exercice du chant, elle flotta au-devant du prince. Ce fut une belle entrée théâtrale, et pour le mélancolique prisonnier cette vue fut un rayon de soleil.

— Ah ! Madame, s’écria-t-il en courant à elle. Vous ici !

Elle jeta un coup d’œil significatif à Gordon, et, quand la porte se fut refermée, elle se jeta au cou d’Othon.

— Vous voir ici, vous ! gémit-elle en se cramponnant à lui.

Mais, dans cette enviable situation, le prince se maintint avec quelque raideur, et en un instant la comtesse se fut remise de son accès.

— Mon pauvre enfant, dit-elle, mon pauvre