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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

Kleinbrunn se trouvait à deux bonnes lieues de Mittwalden et au fond d’un étroit vallon, elle passa la nuit sans qu’aucune rumeur de la révolte ne parvînt jusqu’à elle ; les collines avoisinantes interceptaient du reste toute lueur de l’incendie. Cette nuit-là, madame de Rosen ne dormit pas bien. Les conséquences possibles de sa délicieuse soirée l’inquiétaient sérieusement. Elle se voyait déjà condamnée à un séjour prolongé au milieu de sa solitude, ainsi qu’à une longue correspondance défensive, avant de pouvoir oser retourner auprès de Gondremark. D’autre part, elle avait examiné, pour passer le temps, les titres qu’Othon lui avait remis, et là aussi elle avait trouvé cause de désappointement. Par ces temps de troubles elle se sentait assez peu de goût pour la propriété foncière, et de plus elle était persuadée qu’Othon avait payé plus cher que la ferme ne valait. Et, enfin, l’ordre pour la remise en liberté du prince brûlait positivement les doigts de l’intrigante comtesse.

Tout bien considéré, le jour suivant vit une dame, belle et élégante, en amazone et en chapeau à larges bords, tourner bride à la porte du Felsenburg ; non pas, peut-être, avec aucune intention bien claire, mais pour suivre ses habitudes expérimentales sur la vie.

Le gouverneur, Gordon, appelé à la barrière, accueillit la toute-puissante comtesse de son air le plus galant, bien qu’au grand jour du matin il parût singulièrement âgé.

— Ah ! monsieur le gouverneur, dit-elle, nous avons quelques surprises pour vous ! Et elle lui fit un signe de tête, plein de signification.