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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

finissez le passage, monsieur le Docteur ! Je me trouve, Messieurs, pour ainsi dire, votre hôte : et aussi bien je suis persuadé que, comprenant toute la délicatesse de ma position, vous ne pouvez ni l’un ni l’autre me refuser cet honneur. Messieurs, je bois à la santé du Prince !

— Ma foi, colonel, répliqua ce dernier, nous avons en vous un hôte des plus joyeux. Je bois à la santé du colonel Gordon !

Et là-dessus chacun de vider son verre complaisamment. En ce moment même le carrosse, dévalant sur la grande route, redoublait de vitesse.

À l’intérieur, brillante lumière, chaude humeur. Le vin ranimait les joues pâles de Gotthold. Devant les glaces filaient, naines ou géantes, les ombres fantasques de la forêt, des échappées de ciel étoile, minces filets ou nappes immenses de pâle lumière. Par une fenêtre ouverte pénétraient les âcres senteurs nocturnes des bois. Le roulement de la voiture, cadencé par le trot des chevaux, riait à l’oreille. Le trio vidait verre sur verre, multipliant toasts, saluts, compliments mutuels. Peu à peu une langueur béate s’étendit sur la compagnie ; les intervalles de douce méditation se prolongèrent, interrompus seulement, de temps à autre, par quelque petit accès d’un rire paisible et confidentiel.

— Othon, fit Gotthold, brisant l’un de ces silences, je ne te demande plus de me pardonner. Moi, les rôles changés, je ne le pourrais pas !

— Bah ! c’est façon de parler. Moi je te pardonne, quoique tes soupçons et tes paroles me restent encore sur le cœur. Et non pas les tiennes seule-