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HEUREUSE INFORTUNE

mation qui néanmoins est fort naturelle, et de plus, je n’en doute pas, parfaitement fondée. Veuillez cependant noter ceci, Madame (puisque vous me faites l’honneur de me consulter sérieusement) : je n’éprouve aucune pitié pour ce que vous appelez votre détresse. Vous avez été parfaitement égoïste, et vous en récoltez les conséquences. Si une seule fois vous aviez un peu songé à votre mari, au lieu de penser uniquement à vous, vous ne vous trouveriez pas en ce moment seule, fugitive, avec du sang sur vos mains, et réduite à entendre, des lèvres d’un vieil Anglais morose, des vérités plus amères encore que la médisance.

— Je vous remercie, dit-elle, toute frémissante. Cela est tout à fait exact. Veuillez faire arrêter la voiture !

— Non, mon enfant, dit Sir John, pas avant que je ne vous voie maîtresse de vous-même.

Il se fit une longue pause, pendant laquelle la berline roula entre les rochers et les bois.

— Et maintenant, reprit-elle avec un calme parfait, me tenez-vous pour maîtresse de moi ? Je vous requiers, comme gentilhomme, de me laisser descendre.

— Je pense, répliqua-t-il, que vous avez tort. Continuez, je vous en prie, à faire usage de ma voiture !

— Sir John, dit-elle, quand la mort même m’attendrait là, assise sur ce tas de pierres, je descendrais. Je ne vous blâme point, je vous remercie. Je sais maintenant ce que je suis pour les autres. Mais, plutôt que de respirer l’air en compagnie de quelqu’un qui peut avoir pareille