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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

toujours d’être dame souveraine, tombant de toute la hauteur de la vie civilisée, s’enfuit à travers les bois, Cendrillon déguenillée.

Elle marcha droit devant elle, d’abord par une éclaircie de la forêt encombrée de taillis et de bouleaux, allant là où la conduisait la lumière des étoiles. Plus loin elle dut pénétrer sous la noire colonnade d’une sapinière dont les longues branches se rejoignaient au-dessus d’elle comme un toit de chaume. À cette heure pas un souffle. Dans ce donjon des bois, l’horreur de la nuit se faisait sentir comme une présence mystérieuse, et elle avançait à tâtons, se heurtant aux troncs d’arbres, et prêtant en vain, de temps en temps, une oreille fiévreusement tendue.

Cependant le terrain montait toujours, ce qui l’encourageait, et bientôt elle déboucha sur une colline rocheuse qui s’élevait au-dessus de cette mer de forêts. Aux alentours se dressaient d’autres cimes, soit plus hautes, soit plus basses, séparées par de noirs vallons feuillus ; en haut le ciel ouvert et l’éclat d’étoiles innombrables ; au loin, vers l’horizon d’occident, le vague relief des montagnes. La gloire de la nuit immense s’empara de son âme : ses yeux brillèrent de concert avec les étoiles. Elle plongea ses regards dans la fraîcheur de la nuit, comme elle eût plongé ses mains dans l’onde d’une source, et, sous l’effet de ce choc éthéré, son cœur recommença à battre avec plus de calme.

Le soleil qui navigue dans l’espace, sillonnant d’or l’azur du jour, et envoyant son signal aux myriades humaines, n’a rien à signifier à l’homme