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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

brève étincelle de désir. Ces sentiments il les accueillit avec joie, pour lui ils étaient autant de moyens. — S’il me faut jouer l’amoureux, pensa-t-il (car là était sa préoccupation constante), je crois vraiment que je vais pouvoir y mettre de l’âme !

En même temps, avec sa lourde grâce habituelle, il s’inclina devant la princesse.

— Je me propose, dit-elle d’une voix étrange qu’elle ne se connaissait pas encore, de remettre le prince en liberté et de ne pas poursuivre la guerre.

— Ah ! Madame, répliqua-t-il, c’est tout comme je m’y attendais. Le cœur, je le savais, vous saignerait quand il faudrait vraiment en venir à ce procédé si désagréable. Ah ! Madame, croyez-moi, je ne suis pas indigne d’être votre allié : je sais combien de qualités vous possédez, vous, auxquelles je suis étranger, et je les compte comme les meilleures armes que renferme l’arsenal de notre alliance… La femme sous la reine, la pitié, l’amour, la tendresse, le sourire qui récompense ! Moi je ne puis qu’ordonner ; je suis le fronceur de sourcils. Mais vous !… Et pourtant vous avez le courage de réprimer ces douces faiblesses. À l’appel de la raison vous savez les fouler aux pieds. Combien de fois n’ai-je pas admiré tout cela, même à votre face ; oui, même à votre face, ajouta-t-il tendrement, comme s’il se délectait au souvenir de certains instants d’admiration plus particulière. Mais maintenant…

— Mais maintenant, monsieur de Gondremark, s’écria-t-elle, l’heure de ces déclarations est passée.