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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

qu’au perron et mis pied sur la terrasse aux larges dalles, il était nuit close. La façade du palais était criblée de fenêtres lumineuses, et le long du parapet brillaient nettement les lampes élevées sur les balustres. Quelques lueurs fanées, d’ambre et de ver luisant, languissaient encore au ciel d’occident ; elle s’arrêta un instant pour les regarder mourir.

— Et penser, se dit-elle, que me voilà la Destinée incarnée, une Norne, une Parque, une Providence !… et que je ne puis encore deviner pour qui je vais me déclarer ! Quelle femme, à ma place, ne se sentirait pas pleine de prévention, ne se considérerait pas comme déjà engagée ? Mais, Dieu merci, je suis née juste.

Les fenêtres d’Othon brillaient comme les autres. Elle les regarda avec un élan de tendresse. « Comment se sent-on quand on est abandonné ? pensa-t-elle. Pauvre cher fou !… Cette femme mérite vraiment qu’il ait connaissance de cet ordre. »

Sans plus tarder, elle entra au palais, et requit une audience particulière du prince Othon. Le prince, lui fut-il répondu, était dans ses appartements, et désirait être seul. Elle fit alors passer son nom, et quelqu’un revint dire que le prince priait qu’on lui pardonnât, mais qu’il ne pouvait voir personne. — C’est bien, j’écrirai, dit-elle. Et elle griffonna quelques lignes, plaidant une urgence de vie et de mort : « Au secours, mon prince, y ajouta-t-elle, personne, excepté vous, ne peut me venir à l’aide ! »

Cette fois-ci, le messager revint avec plus de célérité, et pria la comtesse de vouloir bien le