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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

dame qui riait toute seule. Elle l’appela, mais l’enfant hésitait. Sur l’instant, avec cette singulière passion qu’on voit déployer par toute femme dans les occasions les plus triviales et pour un but semblable, la comtesse se résolut à vaincre cette méfiance. Et bientôt, en effet, l’enfant se trouva sur ses genoux, tâtant sa montre, et la regardant avec des yeux écarquillés.

— Si tu avais, demanda la Rosen, un ours en terre-cuite et un singe en porcelaine, lequel des deux aimerais-tu mieux casser ?

— Mais je n’ai ni l’un ni l’autre, remarqua l’enfant.

— Eh bien, dit-elle, voilà un florin tout neuf pour acheter l’un et l’autre, et je te le donne tout de suite, à condition que tu répondes. Allons, lequel des deux ?… L’ours en terre-cuite, ou le singe en porcelaine ?

Mais l’oracle sans culotte ne fit que contempler le florin avec de grands yeux : l’oracle se refusait à parler. La comtesse lui donna le florin, et un petit baiser, le reposa à terre, et reprit son chemin d’un pas leste et élastique.

— Et moi, lequel casserais-je bien ? se demanda-t-elle en passant avec délice sa main dans le dérangement soigné de sa chevelure. Lequel ? Et de ses beaux yeux elle consulta le ciel. — Les aimé-je tous les deux, ou ni l’un ni l’autre ? Un peu… passionnément… pas du tout ? Tous les deux, ou ni l’un ni l’autre ? Tous les deux, je crois… Mais, dans tous les cas, je vais bien arranger Ratafia.

Avant qu’elle eût passé les grilles, monté jus-