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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

pardonner. Je vous pardonne. Même en ce moment, et troublé par la colère, je sais comprendre ma faute, et, partant, votre excuse. Et si j’exprime le désir qu’à l’avenir vous m’épargniez votre conversation, Monsieur, ce n’est pas par aucun ressentiment, non certes, mais c’est que, par le ciel ! aucun homme au monde ne saurait supporter pareil traitement ! Ayez la satisfaction, Monsieur, d’avoir arraché des larmes à votre souverain… d’avoir vu cet homme, à qui vous avez si souvent reproché son bonheur, réduit au dernier point de la solitude et de la douleur. Pas un mot de plus ! Moi, votre prince, Monsieur, je revendique le dernier mot, et ce dernier mot sera : le pardon.

Sur ce, Othon sortit de l’appartement. Le docteur Gotthold se trouva seul, et en lutte avec les sentiments les plus opposés : le chagrin, le remords et l’amusement. Marchant de long en large devant sa table, il se demanda, les mains levées au ciel, lequel des deux était le plus à blâmer en cette malheureuse rupture.

Au bout d’un instant il alla chercher dans un bahut une bouteille de vin du Rhin et un gobelet du plus beau rubis de Bohême. Le premier verre le consola un peu et lui réchauffa le cœur. Après le second il commença à envisager les ennuis présents comme de la cime d’une montagne ensoleillée. Un peu plus tard, plein de cette satisfaction factice et regardant la vie au travers de ce milieu doré, il dut admettre, avec un sourire et un soupir à demi satisfait, qu’il avait peut-être été un peu rude dans sa manière d’agir avec son cousin. — Il a dit vrai, après tout, ajouta le bibliothécaire