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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

appris à connaître ma force et la faiblesse des autres, et j’ai l’intention maintenant de gouverner moi-même.

Gotthold ne répondit rien, mais il baissa les yeux, et se frotta le menton.

— Tu désapprouves ? s’écria Othon. Quelle girouette tu fais !

— Au contraire, répliqua le docteur. Mes observations ont confirmé ma crainte. Cela ne va pas, Othon. Cela ne va pas du tout.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda le prince qui reçut le coup avec douleur.

— Rien ne va, répondit Gotthold. Tu n’es pas fait pour la vie d’action. Tu manques de fond. Tu n’as pas l’habitude, le contrôle de soi, la patience nécessaire. En cela ta femme vaut mieux… beaucoup mieux, et quoiqu’elle soit en de mauvaises mains elle fait preuve d’une aptitude bien différente. C’est une femme d’affaires ; toi, mon garçon, tu n’es… enfin tu es toi-même. Je t’en prie, retourne à tes plaisirs ! Magister aimable et souriant, je t’accorde vacances pour la vie.

Oui, poursuivit-il, forcément il arrive un jour, pour nous tous, où il faut cesser de croire à notre profession de foi philosophique. J’en étais venu, impartialement, à n’avoir confiance en personne. Et si, dans l’atlas des sciences, il était deux cartes dont je me méfiais plus particulièrement que des autres, c’était celles de la politique et de la morale. Au fin fond de mon cœur j’avais un faible pour tes vices : ils étaient négatifs et flattaient ma philosophie. Je les regardais presque comme autant de vertus. Eh bien, Othon, j’avais