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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

se lever, mais trop mince encore, et trop bas sur l’horizon pour lutter avec l’armée immense de luminaires plus minimes, et la face rugueuse de la terre était baignée dans le feu pâle des étoiles. Au bas d’une des allées, qui s’élargissait en descendant, il pouvait voir un bout de terrasse illuminée par les réverbères, où une sentinelle se promenait silencieusement ; plus loin encore, un coin de la ville avec ses lacets de lumières. Mais plus près, tout autour de lui, les jeunes arbres se dressaient mystérieusement, estompés dans l’obscure clarté. Et au milieu de cette immobilité complète du monde, le dieu, prenant son vol, paraissait animé de vie.

Dans l’ombre et le silence nocturne la conscience d’Othon devint, tout à coup et fixement, lumineuse comme le cadran d’une horloge publique. Il eut beau détourner les yeux de la pensée, l’aiguille, se mouvant avec rapidité, lui indiqua une série de méfaits à lui couper la respiration. Que faisait-il là ? L’argent avait été gaspillé, mais cela ne tenait-il pas largement à sa propre négligence ? Et maintenant il se proposait d’embarrasser encore plus les finances de ce pays qu’il avait été trop indolent pour gouverner lui-même. Il se proposait de gaspiller cet argent une fois de plus, et cela pour ses fins privées, quelque généreuses qu’elles pussent être.

Et cet homme qu’il avait réprimandé pour un vol d’avoine, il allait à présent s’en servir pour voler le Trésor… Et puis, il y avait madame de Rosen qu’il regardait avec quelque chose se rapprochant de ce mépris qu’éprouve l’homme chaste