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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

femmes !… La voix parut lui manquer. En un instant, pourtant, il eut maîtrisé son émotion, et il reprit : — Mais vous, Madame, vous comprenez plus dignement vos responsabilités. En pensée je suis avec vous, et en face de toutes les horreurs que je vois se dresser menaçantes devant moi, je soutiens (et votre cœur le répète) que nous nous sommes trop avancés pour nous arrêter. L’honneur, le devoir, que dis-je ? le soin de notre propre vie, tout réclame que nous allions de l’avant.

Elle le regardait, les sourcils froncés par l’effort de la pensée.

— Je le sens, dit-elle. Mais que faire ? Il tient le pouvoir.

— Le pouvoir, Madame ? Le pouvoir est dans l’armée, répondit-il. Puis, en toute hâte et avant qu’elle eût pu intervenir : — Il y va de notre salut, ajouta-t-il. J’ai à sauver ma princesse, elle doit sauver son ministre, et nous avons tous deux à sauver ce jeune fou de sa propre folie. Vienne l’explosion, ce serait lui la première victime. Il me semble le voir, s’écria-t-il, déchiré en pièces, et Grunewald… ah ! malheureux Grunewald ! Non, Madame, vous qui tenez le pouvoir, vous devez vous en servir : c’est un devoir qui en appelle violemment à votre conscience.

— Mais montrez-moi le moyen ! s’écria-t-elle. Si, par exemple, j’essayais de le placer sous une contrainte quelconque, la révolution éclaterait sur l’instant.

Le baron feignit la perplexité.

— C’est vrai, dit-il. Vous voyez les choses plus clairement que moi. Et pourtant il doit y avoir un