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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

payent pour nos méfaits ? Jamais, Madame, tant que j’aurai vie. Mais, néanmoins, j’attache tant d’importance à tout ce que j’ai entendu aujourd’hui pour la première fois (et pourquoi aujourd’hui seulement je ne m’arrêterai pas à le demander), que j’ai hâte de trouver quelque plan qu’il me soit possible de suivre avec honneur pour moi-même.

— Et si vous n’en trouvez pas ? demanda-t-elle.

— Si je n’en trouve pas, répondit-il, j’irai au-devant du coup. À la première manifestation ouverte de mécontentement je convoque les États, et quand il leur plaira de me le demander, j’abdiquerai.

Séraphine eut un sourire de colère.

— Voilà bien l’homme pour lequel nous avons tout ce temps travaillé ! s’écria-t-elle. Nous lui annonçons un changement… Il trouvera un moyen, répond-il. Et ce moyen c’est… l’abdication ! Ah ! Monsieur, n’avez-vous pas honte de venir ici à la onzième heure parmi ceux qui ont supporté les fatigues du combat ? N’êtes-vous pas émerveillé de vous-même ? Moi, Monsieur, je me suis trouvée ici à ma place, luttant seule pour maintenir votre dignité ; j’ai tenu conseil avec les plus sages que j’aie pu trouver, pendant que vous mangiez, que vous chassiez… J’ai dressé mes plans avec prévoyance ; ils étaient mûrs pour l’action. Alors — elle étouffa, — alors, vous revenez, pour une matinée, vous revenez pour tout ruiner ! Demain vous serez de nouveau affairé de vos plaisirs, et vous nous permettrez de nouveau de penser et de travailler pour vous… Puis vous reviendrez encore une fois, et encore une fois ce sera pour mettre le désarroi dans ce que vous