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LE ROMAN DU PRINCE OTHON

— C’est fort poétique, dit-elle avec un petit rire étranglé. Elle sentait des attendrissements inconnus, une douceur inusitée s’emparer de son être. — Où voulez-vous en venir ? ajouta-t-elle en reprenant une voix plus dure.

— Je voudrais en venir à ceci, répondit-il, et c’est malaisé à dire, à ceci, Séraphine : je suis votre époux, après tout, un pauvre fou qui vous aime. Comprenez-moi bien, s’écria-t-il avec une sorte de violence, je ne viens pas ici en mari suppliant ; ce que votre amour me refuse je me mépriserais moi-même de le recevoir de votre pitié. Je ne le demande pas et je ne l’accepterais pas. Quant à la jalousie, quelle raison aurais-je d’être jaloux ? Ce serait la jalousie du chien de la fable, et bonne tout au plus à amuser les chiens. Néanmoins, aux yeux du monde, je suis toujours votre mari ; et, je vous le demande, me traitez-vous bien ? Je me tiens à l’écart et vous laisse libre ; en toutes choses je vous abandonne à votre propre volonté. De votre côté, que faites-vous ? Je m’aperçois, Séraphine, que vous avez agi un peu à la légère. Entre gens tels que nous, dans notre position élevée, il est nécessaire d’être prudent, d’observer certaines formes. Il est difficile, sans doute, d’éviter la médisance, mais il est dur d’avoir à la supporter.

— La médisance ! s’écria-t-elle en respirant avec force. La médisance !… voilà où vous vouliez en venir !

— J’ai essayé de vous dire ce que je ressens, répondit-il. Je vous ai dit que je vous aime et que je vous aime sans espoir… amertume profonde