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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

voix et le geste d’Othon : — « Qu’y a-t-il aujourd’hui, monsieur de Gondremark ? Ah ! monsieur le Chancelier, une nouvelle perruque ? Vous ne pouvez me tromper : je connais toutes les perruques de Grunewald ! J’ai l’œil du souverain. Qu’est-ce que ces papiers ? Certainement,… certainement. Je parie que pas un de vous n’avait remarqué cette perruque… Sans aucun doute. Je n’entends rien à tout cela… Eh ! mon Dieu, y en a-t-il tant que ça ! Alors signez-les, vous avez la procuration… Vous le voyez, monsieur le Chancelier, j’ai bien vu votre perruque. » C’est ainsi — conclut Gondremark en reprenant sa voix naturelle, — que notre souverain par la grâce spéciale de Dieu éclaire ses conseillers privés, et les soutient.

Mais quand le baron se retourna vers Séraphine pour jouir de son approbation, il la trouva de glace.

— Vous avez beaucoup d’esprit, monsieur de Gondremark, dit-elle. Peut-être avez-vous oublié où vous êtes. Mais ces répétitions sont parfois trompeuses. Votre maître, le prince de Grunewald, est quelquefois plus exigeant.

Du fond du cœur Gondremark la voua à tous les diables. De toutes les vanités blessées, celle du bouffon repris est la plus furieuse. Et quand de graves intérêts sont en jeu, ces coups d’épingle deviennent insupportables. Mais Gondremark était de fer : il ne laissa rien percer. Il ne battit même pas en retraite comme l’eût fait, après avoir trop présumé, un charlatan vulgaire. Il tint ferme : — Madame, dit-il, si, comme vous dites, il se montre exigeant, il nous faudra prendre le taureau par les cornes.