traducteur lui-même, mais dans lequel l’individualité du modèle se trouve singulièrement déguisée. Si jamais vous vous sentez la curiosité de voir jusqu’où peut aller la divergence d’effets de n’importe quel passage d’un seul et même ouvrage original traduit par deux écrivains différents, comparez les versions françaises du Suicide-Club, publiées respectivement par Calmann Lévy et par la maison Hetzel. La première est celle de M. Louis Despréaux, la seconde est d’un écrivain anonyme. Toutes deux sont excellentes de style et de vigueur ; mais, mettez-les en regard, et c’est à peine si vous pourrez croire qu’elles sont vraiment basées sur le même texte. Il est vrai, d’autre part, que ceci est une question qui touche fort peu le lecteur ordinaire, lequel généralement s’intéresse surtout aux scènes qu’on fait dérouler sous ses yeux, et se préoccupe assez peu du style de l’œuvre première, tant que celui du traducteur ne le choque pas.
L’autre méthode, plus ardue, est de viser au même résultat littéraire tout en serrant l’original dans son caractère national, dans ses excentricités de style même, d’aussi près que le comporte le génie de la langue. Pour les admirateurs de Stevenson (et leur nombre semble augmenter rapi-