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LE ROMAN DU PRINCE OTHON


— Et Votre Altesse devient de jour en jour plus hâlée, répliqua la dame. Nous avions commencé sur le pied d’égalité, oh là ! je veux être hardie : nous avons tous deux un teint admirable. Mais, tandis que je soigne le mien, Votre Altesse laisse basaner le sien.

— Un véritable nègre, Madame ; mais, quoi de plus à propos, puisque je suis l’esclave de la beauté ? dit Othon, Madame Grafinski, à quand notre nouvelle comédie ? Je viens justement d’apprendre que je suis mauvais acteur.

— Ô ciel ! s’écria Madame Grafinski. Qui a pu oser ! Quel est l’ours !…

— Un homme excellent, je puis vous l’assurer, répondit Othon.

— Oh non ! Oh ! est-il possible ! se récria la, dame, d’une voix flûtée. Votre Altesse joue comme un ange.

— Il faut que vous ayez raison, Madame. Qui pourrait avoir tort et paraître si charmante ? dit le prince. Mais il semble que ce monsieur aurait préféré que je jouasse comme un acteur.

Une espèce de murmure, un roucoulement de fausset féminin, accueillit la minuscule saillie, et Othon se rengorgea comme un paon. Cette chaude atmosphère de femmes, de flatterie, ce babillage léger le réjouissait jusqu’à la moelle des os.

— Madame d’Eisenthal, votre coiffure est délicieuse, remarqua-t-il.

— Chacun en faisait l’observation, dit quelqu’un.

— Ai-je plu au Prince Charmant ?… Et madame d’Eisenthal lui fit une profonde révérence accompagnée d’une œillade assassine.