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mais, certes, sans vouloir insister sur l’erreur théorique de cette pieuse mystification, je puis affirmer que, dans le cas de Maurice, la somme des amertumes dépassait de beaucoup celle des douceurs. Le jeune homme ne s’épargnait aucune fatigue à lui-même, et n’en épargnait pas non plus aux autres : c’était lui qui réveillait les domestiques, qui serrait sous clef les restes des repas, qui goûtait les vins, qui comptait les biscuits. Des scènes pénibles avaient lieu, chaque samedi, lors de la révision des factures, et la cuisinière était souvent changée, et souvent les fournisseurs, sur le palier de service, déversaient tout leur répertoire d’injures, à propos d’une différence de trois liards. Aux yeux d’un observateur superficiel, Maurice Finsbury aurait risqué de passer pour un avare ; à ses propres yeux, il était simplement un homme qui avait été volé. Le monde lui devait 7.800 livres sterling, et il était bien résolu à se les faire repayer.

Mais c’était surtout dans sa conduite avec Joseph que se manifestait clairement le caractère de Maurice. L’oncle Joseph était un placement sur lequel le jeune homme comptait beaucoup : aussi ne reculait-il devant rien pour se le conserver. Tous les mois, le vieillard, malade ou non, avait à subir l’examen minutieux d’un médecin. Son