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fois votre nom et votre surnom. J’avais deviné à votre écriture cette façon de vous vêtir, Mr. Mackellar.

À ces mots, je me mis à trembler.

– Oh ! dit-il, vous n’avez pas à avoir peur de moi. Je ne vous en veux pas pour vos ennuyeuses épîtres ; et j’ai l’intention de me servir beaucoup de vous. Vous m’appellerez Mr. Bally : c’est le nom que j’ai choisi, ou plutôt (car je parle à un grand formaliste) c’est ainsi que j’ai abrégé le mien. Allons, attrapez ceci, et cela – (et il m’indiquait deux des valises). – C’est tout ce que vous êtes capable de porter, et le reste peut fort bien attendre. Allons, ne perdons pas de temps, s’il vous plaît.

Son ton était si tranchant que je lui obéis comme par une sorte d’instinct, bien que mon esprit demeurât entièrement éperdu. Dès que j’eus empoigné les valises, il me tourna le dos et se mit en route sous la grande charmille, où déjà il commençait à faire noir, car le bois est épais et toujours vert. Je suivais, pliant sous ma charge, bien que je n’eusse pas conscience du fardeau : j’étais absorbé dans la stupéfaction de ce retour, et mon esprit oscillait comme une navette de tisserand.

Soudain, je déposai les valises sur le sol, et m’arrêtai. Il se retourna pour me regarder.

– Hé bien ? dit-il.

– Vous êtes le Maître de Ballantrae ?

– Vous me rendrez cette justice, dit-il, que je ne me suis pas caché de l’astucieux Mackellar.

– Et au nom de Dieu, m’écriai-je, que venez-vous faire ici ? Retournez, il en est encore temps.

– Non, merci, dit-il. Votre maître a choisi ce moyen, pas moi ; mais ayant fait ce choix, il doit (et vous aussi) en subir les conséquences. Et maintenant, ramassez mes affaires que vous avez déposées dans un endroit fort humide, et occupez-vous de la besogne dont je vous ai chargé.

Mais je n’avais plus aucune intention d’obéir ; je m’avançai jusqu’à lui.

– Si rien ne peut vous faire retourner, dis-je ;