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LETTRE DU COLONEL BURKE
(PAR LA SUITE CHEVALIER)
À MR. MACKELLAR


Troyes-en-Champagne, le 12 juillet 1756.

Mon cher Monsieur,

Vous serez sans doute surpris de recevoir une communication d’une personne si peu connue de vous ; mais cette fois où j’eus l’heureuse chance de vous rencontrer à Durrisdeer, j’ai distingué en vous un jeune homme du caractère le plus sérieux ; et j’admire cette qualité et l’estime à peine moins que le génie spontané ou la hardiesse chevaleresque du soldat. Je m’intéresse en outre à la famille que vous avez l’honneur de servir, ou plutôt, dont vous êtes l’humble et respectable ami ; et une conversation que j’eus le plaisir d’avoir avec vous, un matin de très bonne heure, ne m’est pas sortie de la mémoire.

Me trouvant ces jours-ci à Paris, où je m’étais rendu, de cette cité fameuse où je suis en garnison, je m’informai de votre nom (que j’avais oublié, je l’avoue) à mon ami le Maître de Ballantrae, et je saisis une occasion favorable pour vous écrire et vous mander les nouvelles.

Le Maître de Ballantrae (la dernière fois que nous en parlâmes, vous et moi) était titulaire, je crois vous l’avoir dit, d’une pension très avantageuse du Secours-Écossais. On lui donna ensuite une compagnie, puis bientôt un régiment. Mon cher Monsieur, je ne tenterai pas d’expliquer la chose ; et non plus pourquoi moi-même, qui ai chevauché à la droite des princes, on me berne sous divers prétextes, et on m’envoie pourrir dans un trou perdu de province. Accoutumé comme je le suis aux cours, je ne puis ne pas m’apercevoir que l’atmosphère ici n’est point faite pour un vrai soldat ; et je n’ai aucun espoir d’avancement analogue, dussé-je même m’abaisser à le solliciter. Mais notre ami a une aptitude spéciale pour réussir par les dames ; et si tout ce que l’on raconte est vrai, il jouissait d’une protection exceptionnelle. Vraisemblablement, la chose s’est retournée contre lui, car lorsque j’eus l’honneur