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la façon dont le chevalier rapporte les querelles me semble (je dois l’avouer) tout à fait incompatible avec le caractère des deux personnages. Par la suite, ils errèrent isolément, et connurent des souffrances indicibles. À la fin, l’un, puis l’autre furent recueillis par une patrouille du fort Saint-Frédéric. Il n’y a plus à ajouter que deux choses. Primo (et c’est ce qui importe surtout à mon récit) le Maître, au cours de ces tribulations, enterra ses richesses, en un point qui n’a pas été retrouvé, mais dont il leva la topographie, à l’aide de son propre sang, sur la doublure de son chapeau. Et secundo, en arrivant ainsi sans le sou au fort, il fut accueilli comme un frère par le chevalier, qui plus tard lui paya son retour en France. La simplicité de caractère de Mr. Burke l’induit à cet excès de louer le Maître. À des yeux plus mondainement sages, il semblerait que le chevalier seul fût digne d’éloges. J’ai d’autant plus de plaisir à citer ce noble trait de mon honorable correspondant, que je crains de l’avoir blessé, quelques lignes plus haut. Je me dispense de tous commentaires sur aucune de ses opinions si extraordinaires et (à mon sens) immorales, car je le sais fort pointilleux en matière de respect. Mais sa version de la querelle dépasse vraiment ce que je puis reproduire ; car j’ai moi-même connu le Maître, et on ne peut imaginer homme moins susceptible de crainte. Je déplore cette négligence du chevalier, et d’autant plus que l’allure de son récit (à part quelques fioritures) me frappe par sa haute ingénuité.