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fond de la yole, et nous dirigeant au hasard dans la brume, qui restait notre unique protection. Mais le ciel nous guida ; nous allâmes toucher contre un buisson, escaladâmes la rive avec nos trésors ; et, la brume commençant à se dissiper, faute de pouvoir cacher autrement la yole, nous la chavirâmes pour la couler. À peine étions-nous à couvert que le soleil se leva ; en même temps, du milieu du bassin, une grande clameur s’éleva, et nous apprit que la Sarah venait d’être abordée. J’entendis par la suite faire grand honneur de son exploit à l’officier qui s’en empara ; et, à la vérité, il s’en était approché avec assez d’habileté ; mais je soupçonne qu’une fois à bord, la capture fut aisée[1].

Je rendais grâce aux saints de notre évasion, lorsque je m’aperçus que nous étions tombés en d’autres maux. Nous avions abordé au hasard sur la côte d’un marécage étendu et périlleux ; et l’entreprise d’arriver au sentier était pleine d’aléas, de fatigues et de dangers. Dutton était d’avis d’attendre le départ du croiseur, pour aller repêcher la yole ; car tout délai serait plus sage que de nous lancer à l’aveuglette dans ce marais. L’un de nous retourna donc au rivage et, regardant à travers le buisson, vit le brouillard complètement dissipé, et le pavillon anglais flottant sur la Sarah, mais nul préparatif pour son appareillage. Notre situation devenait fort inquiétante. Le marais était un lieu des plus malsains ; dans notre rage d’emporter des richesses, nous avions presque négligé les vivres ; il était nécessaire, en outre, de quitter ce voisinage et d’arriver aux colonies avant la nouvelle de la capture ; et, pour balancer toutes ces considérations, il y avait, en regard, les périls de la traversée. Rien d’étonnant à ce que nous nous décidâmes pour l’action.

La chaleur était déjà étouffante lorsque nous entre-

  1. Note de Mr. Mackellar. — On ne doit pas confondre ce Teach de la Sarah avec le célèbre Barbe-Noire. Les dates et les faits ne concordent en rien. Il est possible que le second ait emprunté à la fois le nom et imité les allures du premier dans ce qu’elles avaient d’excessif. — Le Maître de Ballantrae eut bien des imitateurs !