endormi, je voyais la même perspective funèbre de catastrophe imminente ; et les mêmes tableaux se déroulaient à mes yeux, mais ils se peignaient alors sur un flanc de colline embrumé. L’un de ces tableaux, il m’en souvient, m’apparut avec les couleurs d’une hallucination authentique. Il représentait Mylord assis à une table dans une petite chambre ; sa tête, d’abord cachée entre ses mains, se releva lentement, et il tourna vers moi un visage que toute espérance avait déserté. J’avais vu cette scène d’abord sur le noir de la fenêtre, ma dernière nuit de Durrisdeer ; elle revint me hanter durant la moitié du voyage ; mais il ne s’agissait pas là d’un symptôme de démence, car je suis arrivé à la maturité et à la vieillesse sans que ma raison ait décliné ; il ne faut y voir non plus (comme je fus alors tenté de le croire) un avertissement céleste, car tous les malheurs survinrent, sauf ce malheur, – et j’ai vu maints spectacles navrants, mais pas celui-là.
On avait décidé de voyager toute la nuit ; et, fait singulier, une fois le crépuscule tombé, je repris courage. Les lanternes allumées éclairant devant nous le brouillard, les croupes fumantes des chevaux et le postillon au trot, me faisaient voir intérieurement les choses sous un aspect plus aimable que durant le jour ; ou peut-être mon esprit était-il las de sa mélancolie. Du moins, je passai plusieurs heures éveillé, l’esprit assez dispos, quoique mouillé et mal à l’aise de corps ; après quoi je tombai dans un sommeil sans rêves. Cependant il est à croire que je conservai un reste d’activité, même au plus profond de mon sommeil, activité au moins en partie intelligente. Car je me réveillai tout à coup en plein, juste comme je déclamais :
Le home était le home, alors, ô mon ami,
heureux pour les enfants.
frappé d’y voir une adaptation, que je n’avais pas remarquée la veille, au but détestable que le Maître se proposait dans le voyage actuel.
Nous étions alors près de la ville de Glasgow, où