lande, nous vîmes briller les lumières de deux voitures arrêtées au bord de la chaussée. On n’échangea que peu de mots, lors de la séparation, et sur des seuls sujets pratiques, une poignée de main silencieuse, des visages détournés, et ce fut tout ; les chevaux se mirent au trot, la lumière des lanternes s’éloigna sur la lande déserte, puis s’enfonça derrière Stony Brae ; et Macconochie et moi restâmes seuls avec notre lanterne sur la route. Mais nous attendîmes la réapparition des voitures sur la côte de Cartmore. Les voyageurs durent faire halte au sommet pour regarder une dernière fois en arrière, et voir notre lanterne demeurée sur le lieu de la séparation ; car une lampe fut prise à une voiture, et agitée par trois fois de haut en bas, en guise d’adieu. Après quoi ils repartirent, pour ne plus revoir le toit familial de Durrisdeer, en route vers une contrée barbare. Je n’avais jamais senti jusqu’alors l’étendue démesurée de cette voûte nocturne sous laquelle deux pauvres serviteurs – l’un vieux et l’autre déjà sur l’âge – se trouvaient pour la première fois délaissés ; je n’avais jamais senti auparavant à quel point mon existence dépendait de celle des autres. Une sensation d’isolement me brûla les entrailles comme du feu. On eût dit que les vrais exilés étaient nous qui demeurions au pays ; on eût dit que Durrisdeer et les rives du Solway, et tout ce qui constituait mon pays natal, son air si doux, sa langue si familière, s’en étaient allés bien au-delà des mers avec mes vieux maîtres.
Durant la fin de cette nuit-là, je me promenai de long en large sur le palier de la route, songeant au futur et au passé. Mes réflexions, qui d’abord se posaient tendrement sur ceux qui venaient de nous quitter, prirent peu à peu un tour plus viril en considérant ce qui me restait à faire. Le jour se leva sur les sommets de l’intérieur, les oiseaux se mirent à pépier, et la fumée des chaumières s’éleva parmi les creux de la rousse bruyère. Alors, me retournant vers les toits de Durrisdeer, qui étincelaient au bord de la mer dans le matin, je descendis le sentier.
À l’heure habituelle, je fis éveiller le Maître, et