tremblante qu’il en répandit la moitié en buvant. C’était la deuxième fois que, au milieu de la conduite la plus sage et la plus pondérée, son animosité se faisait jour. Elle surprit Mr. Carlyle, qui ne cessa plus d’observer Mylord avec une curiosité discrète. Quant à moi, elle me rendit la certitude que nous agissions pour le mieux au regard de la santé de Mylord et de sa raison. À part cet éclat, l’entrevue aboutit très heureusement. Sans doute Mr. Carlyle, comme tous les notaires, ne lâchait ses paroles qu’une à une. Mais il était sensible que nous avions amorcé un revirement d’opinion en notre faveur dans le pays ; et la mauvaise conduite même de cet homme achèverait certainement ce que nous avions commencé. Et, avant de partir, le notaire nous laissa entrevoir qu’il s’était déjà répandu au-dehors un certain soupçon de la vérité.
– Je devrais peut-être vous avouer, Mylord, dit-il, en s’arrêtant, le chapeau à la main, – que les dispositions prises par Votre Seigneurie dans le cas de Mr. Bally ne m’ont pas trop surpris. Quelques bruits d’une nature analogue ont transpiré, lors de son dernier séjour à Durrisdeer. On parlait d’une femme de Saint-Bride, avec laquelle vous vous êtes admirablement conduit, et Mr. Bally avec un haut degré de cruauté. La substitution d’héritier, encore, a été fort commentée. Bref, il y a eu pas mal de propos, à droite et à gauche ; et certains de nos Salomons de village ont motivé fortement leur opinion. Je restais dans l’expectative, comme il sied à mon habit ; mais la note de Mr. Mackellar m’a finalement ouvert les yeux. Je ne crois pas, Mr. Mackellar, que ni vous ni moi lui laissions prendre beaucoup de libertés.
La suite de cette importante journée se passa heureusement. C’était notre tactique de garder l’ennemi à vue, et je pris mon tour de guet comme les autres. Je crois que son attention s’éveilla, de se voir ainsi observé, et je sais que la mienne déclina peu à peu. Ce qui m’étonnait le plus était la dextérité singulière de cet homme à s’insinuer dans nos préoccu-