un spectacle charmant de les voir revenir tous les deux chargés de bruyères, et le père aussi animé, voire parfois aussi crotté que le fils, car ils aimaient également toutes sortes de jeux enfantins, faire des trous dans le sable, endiguer des ruisseaux, et le reste ; et je les ai vus regarder les bêtes à travers une clôture avec le même ravissement puéril.
Ces randonnées me font songer à une scène bizarre dont je fus le témoin. Il y avait un chemin que je ne suivais jamais sans trouble, car je l’avais pris fréquemment pour remplir de fâcheuses missions, et il avait été le théâtre d’événements funestes à la maison de Durrisdeer. Mais le sentier était trop commode pour revenir de plus loin que le Muckle Ross ; et j’étais forcé, bien à regret, de m’en servir environ tous les deux mois. Mr. Alexander avait sept ou huit ans ; j’avais eu affaire ce matin-là tout au bout du domaine, et je m’en revenais par la charmille. C’était la saison où les bois revêtent leur livrée printanière, où les épines sont en fleur, où les oiseaux déploient leurs plus beaux chants. Le contraste de cette allégresse rendait pour moi la charmille plus sombre, et les souvenirs m’y oppressaient davantage. En cet état d’esprit, je fus fâché d’entendre, un peu plus haut sur le chemin, des voix que je reconnus pour celles de Mylord et de Mr. Alexander. Je continuai d’avancer, et ne tardai pas à les apercevoir, debout dans l’espace découvert où avait eu lieu le duel. Mylord avait la main sur l’épaule de son fils, et parlait avec une certaine gravité. Mais quand il leva la tête à mon approche, je vis ses traits s’épanouir.
– Ah ! dit-il, voilà ce bon Mackellar. Je viens justement de raconter à Sandie l’histoire de cet endroit-ci, comment il y eut un homme que le diable essaya de tuer, et comment ce fut lui, au contraire, qui faillit tuer le diable.
J’avais déjà trouvé singulier qu’il menât l’enfant là ; mais qu’il l’entretînt de son action, dépassait la mesure. Toutefois, le pis était encore à venir ; car il ajouta, se tournant vers l’enfant :