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étaient lourdement hypothéquées ; et Miss Alison fut en conséquence destinée à être l’épouse du Maître, ce qui lui plaisait assez, à elle ; mais quel bon vouloir il y mettait, lui, c’est une autre question. C’était une fille avenante et, en ce temps-là, très vive et volontaire ; car le vieux Lord n’avait pas de fille à lui, et, sa femme étant morte depuis longtemps, elle avait grandi au petit bonheur.

La nouvelle du débarquement du prince Charles parvint alors à ces quatre personnes, et les divisa. Mylord, en homme de coin du feu qu’il était, inclinait à temporiser. Miss Alison prit le parti opposé, vu son allure romanesque, et le Maître (bien que j’aie entendu dire qu’ils ne s’accordaient pas souvent) fut pour cette fois du même avis. L’aventure le tentait, j’imagine : il était séduit par cette occasion de relever l’éclat de sa maison, et non moins par l’espoir de régler ses dettes particulières, excessivement lourdes. Quant à Mr. Henry, il ne dit pas grand-chose, au début : son rôle vint plus tard. Tous trois passèrent une journée entière à discuter, avant de tomber d’accord pour adopter un moyen terme : l’un des fils irait se battre pour le roi Jacques ; l’autre resterait avec Mylord, pour conserver la faveur du roi Georges. Sans nul doute, cette décision fut inspirée par Mylord ; et, comme on le sait, maintes familles considérables prirent un parti analogue. Mais cette discussion terminée, une autre commença. Car Mylord, Miss Alison et Mr. Henry étaient tous d’un même avis : c’était au cadet de partir ; et le Maître, par impatience et vanité, ne voulait à aucun prix rester au château. Mylord argumenta, Miss Alison pleura, Mr. Henry fut plein de franchise. Rien n’y fit.

– C’est l’héritier direct de Durrisdeer qui doit chevaucher aux côtés de son roi, dit le Maître.

– Si nous jouions franc jeu, répliqua Mr. Henry, ce que vous dites serait plein de sens. Mais que faisons-nous en réalité ? Nous trichons aux cartes !

– Nous sauvons la maison de Durrisdeer, Henry ! reprit son père.

– Et puis voyez, James, dit Mr. Henry, si je pars et