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portent le sceau de leur antiquité. Le nom est également cité dans une strophe que la commune renommée attribue (est-ce avec raison, je l’ignore) à Thomas d’Ercildoune lui-même, et que certains ont appliquée (est-ce avec justice, je n’ose le dire) aux événements de ce récit :

Deux Durie à Durrisdeer,
Un qui harnache, un qui chevauche.
Mauvais jour pour le mari
Et pire jour pour l’épousée.

L’histoire authentique est remplie également de leurs exploits, lesquels, à notre point de vue moderne, seraient peu recommandables ; et la famille prend sa bonne part de ces hauts et bas auxquels les grandes maisons d’Écosse ont toujours été sujettes. Mais je passe sur tout ceci, pour en arriver à cette mémorable année 1745, où furent posées les bases de cette tragédie.

À cette époque, une famille de quatre personnes habitait le château de Durrisdeer, proche Saint-Bride, sur la rive du Solway, résidence principale de leur race depuis la Réforme. Le vieux Lord huitième du nom, n’était pas très âgé, mais il souffrait prématurément des inconvénients de l’âge. Sa place favorite était au coin du feu. Il restait là, dans son fauteuil, en robe de chambre ouatée, à lire, et ne parlant guère à personne, mais sans jamais un mot rude à quiconque. C’était le type du vieux chef de famille casanier. Il avait néanmoins l’intelligence fort développée grâce à l’étude, et la réputation dans le pays d’être plus malin qu’il ne semblait. Le Maître de Ballantrae, James, de son petit nom, tenait de son père l’amour des lectures sérieuses ; peut-être aussi un peu de son tact, mais ce qui était simple politesse chez le père devint chez le fils noire dissimulation. Il affectait une conduite uniment grossière et farouche : il passait de longues heures à boire du vin, de plus longues encore à jouer aux cartes ; on le disait dans le pays « un homme pas ordinaire pour les