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seule pensée, quand je me représente l’agitation et la passion de cet attachement, connaissant la crainte qu’il a du pouvoir que j’ai de lui échapper par le suicide, j’arrive même à avoir pitié de lui.

Le temps me manque terriblement pour prolonger cette description, d’ailleurs inutile ; personne n’a jamais éprouvé de tels tourments : que cela suffise ; et cependant l’habitude m’avait apporté non de l’adoucissement mais une espèce de callosité de l’âme, une certaine acquiescence de désespoir, et ma punition eût pu durer des années sans une dernière calamité qui vient d’arriver et qui m’a finalement séparé et de mon propre visage et de ma propre nature. Ma provision de sels, qui n’avait jamais été renouvelée depuis ma première expérience, diminua sensiblement. J’en envoyai chercher d’autres ; je mêlai le breuvage, l’ébullition eut lieu et le premier chan-