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la pluie et les gelées ; il avait tout son soûl de vin et d’ale. Mais, à présent, on a gâché le métier ; et ce Jean Répare-tout n’est qu’un nigaud empaillé, bon tout au plus à effaroucher les corbeaux.

— Bah ! répondit l’autre, vous êtes trop porté à boire et à manger, Lawless. Attendez un peu, le bon temps reviendra.

— Voyez-vous, répliqua le cuisinier, j’ai attendu ce bon temps depuis que j’étais grand comme ça. J’ai été frère gris ; j’ai été archer du roi ; j’ai été matelot, et j’ai navigué sur les mers salées ; et j’ai été dans les bois avant cette fois-ci, vraiment, et tué le gibier du roi. Qu’en résulte-t-il ? Rien. J’aurais mieux fait de rester au couvent. Jean l’Abbé était plus utile que Jean Répare-tout. Par Notre-Dame, les voilà.

L’un après l’autre, de grands individus bien tournés arrivèrent sur la prairie. Chacun en arrivant produisait un couteau et une écuelle de corne, se servait dans le chaudron et s’asseyait sur l’herbe pour manger. Ils étaient diversement équipés et armés ; quelques-uns en blouses rougeâtres avec un couteau et un vieil arc ; d’autres avec toute l’élégance de la forêt : chapeau et justaucorps en drap vert de Lincoln, avec des flèches armées de plumes de paons dans la ceinture, une corne sur un baudrier, et au côté un glaive et une dague. Ils arrivaient avec le silence de la faim,