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LE MAÏTRE-COQ

ter l’affaire. Car, note bien, jeune Hawkins, c’est grave, cette histoire, et j’oserai dire que ni toi ni moi n’en sortons guère à notre avantage. Non, ni toi non plus, dis ; nous n’avons pas été fins, pas plus l’un que l’autre. Mais, mort de mes os, c’est une bonne blague, celle de l’écot !

Et il se remit à rire, de si bon cœur que, tout en ne voyant pas la plaisanterie comme lui, je fus à nouveau contraint de partager son hilarité.

Durant notre courte promenade au long des quais, mon compagnon m’intéressa fort en me parlant des navires que nous passions en revue, de leurs différents types, de leur tonnage, de leur nationalité ; il m’expliquait la besogne qui s’y faisait : on déchargeait la cargaison de l’un, on embarquait celle de l’autre ; un troisième allait appareiller ; et à tout propos il me sortait de petites anecdotes sur les navires ou les marins et me serinait des expressions nautiques pour me le faire bien entrer dans la tête. Je le voyais de plus en plus, ce serait là pour moi un compagnon de bord inestimable.

En arrivant à l’auberge, nous trouvâmes le chevalier et le docteur Livesey attablés devant une pinte de bière et des rôties ; ils s’apprêtaient à aller faire une tournée d’inspection sur la goélette.

Long John raconta l’histoire depuis A jusqu’à Z, avec beaucoup de verve et la plus exacte franchise.

— C’est bien ça, n’est-ce pas, Hawkins ? disait-il de temps à autre.

Et chaque fois je ne pouvais que confirmer son récit.

Les deux messieurs regrettèrent que Chien-Noir eût échappé ; mais nous convînmes tous qu’il n’y avait rien à faire, et après avoir reçu des félicitations, Long John reprit sa béquille et se retira.