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LE VIEUX FLIBUSTIER

tapissé de nattes, et pénétrâmes enfin dans une bibliothèque spacieuse aux multiples rayons chargés de livres et surmontés de bustes, où le chevalier et le docteur Livesey fumaient leur pipe, assis aux deux côtés d’un feu ronflant.

Je n’avais jamais vu le chevalier d’aussi près. C’était un homme de haute taille, dépassant six pieds, et de carrure proportionnée, à la mine fière et brusque, au visage tanné, couperosé et ridé par ses longues pérégrinations. Ses sourcils très noirs et très mobiles lui donnaient un air non pas méchant à vrai dire, mais plutôt vif et hautain.

— Entrez, monsieur Dance, dit-il avec une majesté familière.

— Bonsoir, Dance, fit le docteur avec un signe de tête. Et bonsoir aussi, ami Jim. Quel bon vent vous amène ?

L’inspecteur, dans une attitude militaire, débita son histoire comme une leçon ; et il fallait voir les deux messieurs avancer la tête et s’entreregarder, si surpris et attentifs qu’ils en oubliaient de fumer. Lorsque le narrateur leur conta le retour de ma mère à l’auberge, le docteur Livesey se donna une claque sur la cuisse, et le chevalier cria : « Bravo ! » en cassant sa longue pipe contre la grille du foyer. Bien avant la fin du récit, M. Trelawney (tel était, on s’en souviendra, le nom du chevalier) s’était levé de sa chaise et arpentait la pièce. Le docteur, comme pour mieux entendre, avait retiré sa perruque poudrée, ce qui lui donnait, avec son crâne aux cheveux noirs et tondus ras, l’aspect le plus singulier.

Son récit terminé, M. Dance se tut.

— Monsieur Dance, lui dit le chevalier, vous êtes un très digne compagnon. Pour le fait d’avoir passé sur le corps de ce sinistre et infâme gredin, c’est à