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LE CAPITAINE SILVER

yeux, qui ait vu ensuite un jour de bonheur, Tom Morgan, je te le garantis.

Morgan se tut, mais les autres firent entendre un rauque murmure.

— Tom a raison, dit quelqu’un.

— J’ai été embêté assez longtemps par un capitaine, dit un second. Que je sois pendu si je me laisse faire encore par toi, John Silver !

— Y en a-t-il un de vous autres, messeigneurs, qui veut venir s’expliquer dehors avec moi ? rugit Silver de dessus son tonnelet, en avançant fortement le haut du corps et agitant vers eux sa pipe brasillante. Si c’est cela que vous voulez, dites-le : vous n’êtes pas muets, je suppose. Celui qui le désire sera servi. Aurai-je donc vécu tant d’années pour me voir finalement braver en face par un fils d’ivrognesse ? Vous connaissez le système, puisque vous êtes tous gentilshommes de fortune, à vous entendre. Eh bien, je suis prêt. Qu’il prenne un coutelas, celui qui ose, et je verrai la couleur de ses tripes, tout béquillard que je suis, avant la fin de cette pipe.

Personne ne broncha ; personne ne répondit.

— Voilà votre genre, n’est-ce pas ? ajouta-t-il, en portant de nouveau sa pipe à sa bouche. Eh bien, vous êtes rigolos à voir, en tout cas. Mais pas bien fameux pour vous battre, ça non. Mais si je parle anglais comme il faut, vous me comprendrez peut-être. Je suis votre capitaine par élection. Je suis votre capitaine parce que je suis le meilleur de tous, d’un bon mille marin. Vous refusez de vous battre comme le devraient des gentilshommes de fortune ; alors, cré tonnerre ! vous obéirez, je ne vous dis que ça ! J’aime ce garçon, à présent : je n’ai jamais vu meilleur garçon que lui. Il est plus crâne que deux quelconques des capons que vous