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MON AVENTURE EN MER

chargé mes seules armes ? Je n’aurais pas été comme à présent un mouton en fuite devant le boucher.

Malgré sa blessure, c’était merveille comme il allait vite, avec ses cheveux grisonnants lui voltigeant sur la figure, et son visage lui-même aussi rouge de précipitation, et de furie, que le rouge d’un pavillon. Je n’avais pas le temps d’essayer mon autre pistolet, et guère l’envie non plus, car j’étais sûr que ce serait en vain. Je voyais clairement une chose : il ne me fallait pas simplement reculer devant mon adversaire, car il m’aurait bientôt acculé contre l’avant, comme il venait, un instant plus tôt, de m’acculer presque à la poupe. Une fois pris ainsi, neuf ou dix pouces du poignard teinté de sang mettraient fin à mes aventures de ce côté-ci de l’éternité. J’appliquai mes paumes contre le grand mât, qui était de bonne grosseur, et attendis, tous les nerfs en suspens.

Voyant que je m’apprêtais à me dérober, il s’arrêta lui aussi, et une minute ou deux se passèrent en feintes de sa part, et en mouvements correspondants de la mienne. C’était là un jeu de cache-cache auquel je m’étais maintes fois amusé durant mon enfance, parmi les rochers de la crique du Mont-Noir ; mais je n’y avais encore jamais joué, on peut le croire, d’une façon aussi âprement palpitante que cette fois-ci. Pourtant, je le répète, c’était un jeu d’enfant, et je me croyais capable de surpasser en agilité un marin d’un certain âge, et blessé à la cuisse. En somme, mon courage s’accrut tellement que je me permis quelques furtives réflexions sur l’issue de l’affaire. Mais tout en constatant que je pouvais la retarder longtemps, je ne voyais nul espoir de salut définitif.

Les choses en étaient là, quand soudain l’Hispaniola toucha, hésita, racla un instant le sable de sa