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L’ÎLE AU TRÉSOR

vite, toujours à plus gros bouillons, toujours avec un plus fort murmure, elle filait à travers la passe vers la haute mer.

Soudain la goélette fit devant moi une embardée, et vira de peut-être vingt degrés. Presque au même moment des appels se succédèrent à bord ; j’entendis des pas marteler l’échelle du capot, et je compris que les deux ivrognes, enfin éveillés au sentiment de la catastrophe, avaient interrompu leur querelle.

Je me couchai à plat dans le fond du misérable esquif et pieusement recommandai mon âme à son Créateur. Au bout de la passe, nous ne pouvions manquer de tomber sur quelque ligne de brisants furieux, qui mettraient vite fin à tous mes soucis ; et bien que j’eusse peut-être la force de mourir, je supportais mal d’envisager mon sort par avance.

Il est probable que je restai ainsi des heures, continuellement ballotté sur les lames, aspergé par les embruns, et ne cessant d’attendre la mort au prochain plongeon. Peu à peu, la fatigue m’envahit ; un engourdissement, une stupeur passagère accabla mon âme, en dépit de mes terreurs ; puis le sommeil me prit, et dans mon coracle ballotté par les flots je rêvai de mon pays et du vieil Amiral Benbow.