XIII
Où commence mon aventure à terre
Quand je montai sur le pont, le lendemain matin, l’île se présentait sous un aspect tout nouveau. La brise était complètement tombée, mais nous avions fait beaucoup de chemin durant la nuit, et à cette heure le calme plat nous retenait à un demi-mille environ dans le sud-est de la basse côte orientale. Sur presque toute sa superficie s’étendaient des bois aux tons grisâtres. Cette teinte uniforme était interrompue par des bandes de sable jaune garnissant les creux du terrain, et par quantité d’arbres élevés, de la famille des pins, qui dominaient les autres, soit isolément soit par bouquets ; mais le coloris général était terne et mélancolique. Les montagnes dressaient par-dessus cette végétation leurs pitons de roc dénudé. Toutes étaient de forme bizarre, et la Longue-Vue, de trois ou quatre cents pieds la plus haute de l’île, offrait également l’aspect le plus bizarre, s’élançant à pic de tous côtés, et tronquée net au sommet comme un piédestal qui attend sa statue.
L’Hispaniola roulait bord sur bord dans la houle de l’océan. Les poulies grinçaient, le gouvernail battait, et le navire entier craquait, grondait et frémis-