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L’ILE AU TRÉSOR.

deux autres restèrent sur la route avec le terrible aveugle. Il y eut un silence, puis une exclamation de surprise, et une voix cria dans la maison :

« Bill est mort !… »

Mais l’aveugle ne fit que les accabler d’injures pour leur lenteur.

« Fouillez-le, tas de lourdauds !… Que les autres montent dans sa cabine et enlèvent le coffre ! Il faut donc tout vous dire ?… »

Je les entendis monter notre vieil escalier avec un tel bruit de gros souliers que la maison devait en être ébranlée. Peu après, nouveaux cris de surprise. La fenêtre de la chambre du Capitaine sauta en pièces avec un vacarme de vitres cassées, et un homme s’y montra, éclairé en plein par la lune. Il s’adressait à l’aveugle, qui attendait sous la fenêtre.

« Pew, criait-il, nous sommes refaits, on a fouillé le coffre avant nous !…

— La chose est-elle encore là ? rugit l’aveugle.

— L’argent y est.

— Au diable l’argent ! Je te parle de la griffe de Flint !…

— Nous ne la trouvons pas…

— Et vous autres, en bas, la trouvez-vous sur Bill ? cria l’aveugle.

À ce moment, un de ceux qui étaient demeurés au rez-de-chaussée, sans doute pour fouiller le cadavre du Capitaine, reparut sur le seuil de la porte.

« Bill a sûrement été déjà fouillé, dit-il, il n’y a plus rien sur lui.

— Ce sont les gens de l’auberge !… C’est le petit garçon, pour sûr !… hurla l’aveugle… Que ne lui ai-je arraché les yeux !… Mais peut-être est-il temps encore !… Les gens étaient là tout à l’heure, puisque la porte se trouvait verrouillée quand je suis venu… Dispersez vous, garçons, et cherchez !…

— Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’ils ont laissé ici leur chandelle allumée ! dit l’homme à la fenêtre.

— Cherchez !… Fouillez partout ! Démolissez plutôt la maison pierre à pierre !… » reprit Pew en frappant le sol de son bâton.

Ce fut alors un vacarme infernal dans notre vieille auberge : des pas lourds courant dans les chambres, des meubles défoncés, des portes battant de tous côtés, des fenêtres volant en éclats. Puis, l’un après l’autre, les hommes sortirent en déclarant qu’il était impossible de nous trouver.

En ce moment, le même sifflet qui avait tant alarmé ma mère résonna de nouveau dans la nuit, à deux reprises. J’avais supposé que c’était le signal de l’aveugle pour appeler sa bande à l’assaut. Mais je m’aperçus, par la direction d’où venaient les coups de sifflet et par l’effet produit sur les brigands, qu’il s’agissait plutôt de les avertir d’un danger.