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jamais tombé dans mon oreille avec un accent plus rassurant.

N’empêche qu’ils ont une drôle de façon de monter la garde ! me disais-je. Si Silver et ses hommes se trouvaient à ma place, ces beaux dormeurs auraient un joli réveil !… Voilà ce que c’est d’avoir le capitaine blessé !…

Et je me blâmais intérieurement de les avoir abandonnés dans un danger pareil, quand ils étaient si peu nombreux pour se garder.

Cependant, j’étais arrivé à la porte et je m’arrêtai sur le seuil. À l’intérieur tout était sombre et je ne pouvais rien distinguer. J’entendais mieux que jamais la basse continue des ronflements et de temps en temps une espèce de frôlement, suivi d’un coup sec, qu’il me fut impossible de m’expliquer. Les bras en avant pour ne pas me heurter, je pénétrai dans la salle. Je me disais en riant tout seul qu’il serait drôle de me coucher tranquillement à ma place et de voir la figure que feraient les braves gens en me trouvant là le lendemain matin. En marchant, mon pied toucha la jambe d’un des dormeurs, qui se retourna en grommelant, sans se réveiller.

Mais tout à coup une voix perçante éclata dans les ténèbres.

« Pièces de huit !… criait-elle. Pièces de huit ! pièces de huit !… pièces de huit ! pièces de huit !… »

Et ainsi de suite, sans une pause, sans un changement. C’était le perroquet de Silver, le capitaine Flint !… C’est lui que je venais d’entendre picotant un morceau d’écorce ! C’est lui qui montait mieux la garde que des êtres humains et qui annonçait mon arrivée, de sa voix stridente, avec son cri habituel.

Tous les dormeurs s’étaient réveillés en sursaut. Ils étaient déjà debout avant que je fusse revenu de ma surprise.

« Qui vive ? » demanda la voix de stentor de Silver.

Je me retournai pour fuir. Mais je me heurtai violemment contre quelqu’un qui me repoussa et je retombai dans les bras d’un autre, qui les referma sur moi et me maintint.

« Apporte de la lumière, Dick ! » cria Silver.

Un des hommes sortit et revint presque aussitôt avec un tison enflammé.


XXVIII

AUX MAINS DE L’ENNEMI.


La torche, en éclairant l’intérieur du blockhaus, me montra un spectacle qui justifiait trop mes appréhensions. Les pirates étaient en possession du fort et des approvisionnements. Tonneau d’eau-