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L’ILE AU TRÉSOR.

un maraîcher du voisinage, qui lui parlait de ses rhumatismes.

Cependant le Capitaine sortait par degrés de sa torpeur, sous l’influence de sa propre musique, et enfin il donna un grand coup de poing à la table. Nous connaissions tous ce signal, qui voulait dire : Silence ! Tout le monde se tut, excepté le docteur Livesey, qui continua à parler, de sa voix claire et douce, en tirant de temps à autre une bouffée de sa pipe.

Le Capitaine le regarda d’abord d’un œil flamboyant. Puis il donna un second coup à la table, et, voyant que cet avertissement restait inutile, il cria avec un juron épouvantable :

« Silence, donc, là-bas, à l’entrepont !…

— C’est à moi que vous parlez, Monsieur, » demanda le docteur.

Et le sacripant lui ayant répondu affirmativement :

« En ce cas, Monsieur, reprit tranquillement le docteur Livesey, je n’ai qu’une chose à vous dire : c’est que si vous continuez à boire du rhum comme vous le faites, le monde sera bientôt débarrassé d’un triste chenapan !… »

La fureur du vieux fut terrible. Il sauta sur pieds, tira et ouvrit un coutelas de matelot, et, le balançant dans la paume de sa main, il annonça qu’il allait, sans plus tarder, clouer le docteur à la muraille.

Le docteur Livesey ne sourcilla pas. Il continua à lui parler du