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baie, tout en sifflotant, puis entonnant cette vieille chanson de marin qu’il chanta si souvent par la suite :

Quinze hommes sur le coffre du mort
Yo, ho, ho, et une bouteille de rhum !


avec cette vieille voix haute et chevrotante qui semblait s’être rythmée et brisée aux barres de cabestan.

Puis, il frappa à la porte avec un bâton qui ressemblait à un anspect.

Lorsque mon père parut, il demanda d’un ton brusque un verre de rhum.

Quand on le lui eut apporté, il le but lentement, en connaisseur, s’attardant sur le goût, continuant à regarder autour de lui les falaises et notre enseigne.

— Cette baie est d’accès commode, dit-il enfin, et ce cabaret est agréablement situé. Beaucoup de monde, camarade ?

Mon père lui répondit que non, très peu de monde, malheureusement.

— Eh bien, alors, dit-il, c’est ce qu’il me faut. Camarade ! cria-t-il à l’homme qui poussait la brouette, viens accoster ici et monte mon coffre. Je vais rester ici quelque temps, continua-t-il. Je suis un homme simple, du rhum, du lard et des œufs, voilà ce que je veux, et cette falaise là-haut pour voir passer les bateaux. Comment m’appeler ? Vous pouvez m’appeler capitaine. Oh ! je vois ce qui vous préoccupe, voilà !

Et il jeta trois ou quatre pièces d’or sur le comptoir.

— Vous n’aurez qu’à me dire quand j’aurai dépensé tout ça, reprit-il avec un ton féroce de commandement.


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