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maison, ou consigné sur papier ou immédiatement saisi par la pensée, on peut espérer éviter quelques-unes des plus grosses erreurs possibles.

La carte devant soi, on permettra difficilement au soleil de se coucher à l’est, comme cela arrive dans L’Antiquaire.

L’almanach en main, on permettra difficilement à deux chevaux, voyageant pour l’affaire la plus urgente, de rnettre six jours, depuis trois heures du lundi matin jusque tard dans la nuit du samedi, pour faire un voyage de quatre-vingt-dix à cent milles avant que la semaine soit terminée, et aux mêmes chevaux de couvrir cinquante milles par jour, comme on peut le lire tout au long de l’inimitable roman de Rob Roy.

Et il est certainement bien, quoique ce soit loin d’être nécessaire, d’éviter semblables « bûches ». Mais mon système — ma superstition, si vous voulez — est que celui qui est plein de foi dans sa carte la consulte et tire d’elle son inspiration, journellement et à toute heure, y gagne un soutien positif et non pas une simple immunité contre les accidents. Le roman y prend racine ; il pousse dans ce sol ; il a une carcasse qui est à lui, derrière les mots.

Il n’en ira que mieux si la contrée est réelle, si l’auteur en a parcouru chaque pied et connaît chaque borne des routes ! Mais, même dans des sites imaginaires, il fera bien, dès le commencement, de se procurer une carte.

En l’étudiant, des rapports apparaîtront auxquels il n’avait pas pensé ; il découvrira, visibles bien qu’insoupçonnées, pistes et empreintes pour ses messagers.

Même une carte qui n’est pas un plan complet, comme c’était le cas pour L’Ile au Trésor, sera une mine de suggestions.

Robert-Louis Stevenson.