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Cela peut être, je m’en soucie peu.

Ces utiles écrivains ont accompli le dire du poète ; en partant, ils ont laissé derrière eux la trace de leurs pas imprimés sur les sables du temps, trace que peut-être un autre… et je fus cet autre !

C’est ma dette à Washington Irving qui éveille mes scrupules, et avec justice, car je crois que le plagiat fut rarement poussé plus loin.

J’eus la chance de dépouiller les Contes d’un voyageur[1] il y a quelques années, en vue d’une anthologie de prose narrative, et le livre m’inonda et me frappa.

Billy Bones, son coffre, la compagnie dans la salle de l’auberge, tout l’esprit du livre et une bonne quantité des détails matériels de mes premiers chapitres, tous étaient la propriété de Washington Irving.

Mais je ne m’en souciais guère quand je m’assis près de mon feu où semblaient souffler les effluves du printemps d’une inspiration quelque peu terre à terre, ni non plus chaque jour, quand, après le lunch, je lisais à haute voix mon travail du matin à ma famille.

Il me semblait originel comme le péché ; il semblait m’appartenir comme mon œil droit.

J’avais compté sur mon gosse, je me trouvai en avoir deux dans mon auditoire.

Mon frère prit feu soudain avec tout le romantisme infantile de sa nature originale.

Les histoires, que chaque nuit de sa vie il se contait lui-même pour s’endormir, traitent perpétuellement de bateaux, d’auberges sur le bord des routes, de vieux matelots et de caboteurs avant l’ère de la vapeur.

Il n’a jamais fini un de ses romans !

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  1. Les Contes d’un Voyageur ont été traduits en français dès 1825.