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questions ! Si vous les aviez vus galoper vers le rivage ! Et une fois là, ils constataient qu’ils avaient eu l’agrément de courir, ce qui est très bon pour un Campbell. J’imagine que ce fut un châtiment pour le clan que le brick ait coulé d’un bloc, sans se mettre en pièces. Mais ce fut un malheur pour vous, quand même ; car si quelques débris avaient été jetés à la côte, ils l’auraient explorée en long et en large et vous auraient bientôt découvert.


XIX. La maison de la crainte

La nuit tomba comme nous marchions toujours, et les nuages, qui s’étaient un peu dissipés dans l’après-midi, se rassemblèrent plus denses, de sorte que l’obscurité devint, pour la saison, fort profonde. Notre chemin passait au flanc de montagnes abruptes ; et bien qu’Alan continuât à s’avancer d’un pas assuré, je ne voyais pas du tout comment il se dirigeait.

À la fin, vers dix heures et demie, nous arrivâmes en haut d’une lande, et découvrîmes des lumières au-dessous de nous. On eût dit que la porte ouverte d’une maison répandait un flot de clarté, foyer et chandelles réunis ; et tout autour de la maison, cinq ou six personnes circulaient précipitamment, munies chacune d’une torche allumée.

– Il faut que James ait perdu la tête, dit Alan. Si c’étaient les soldats, au lieu de vous et moi, il serait dans de beaux draps ! Mais j’imagine qu’il a posté une sentinelle sur la route, et il sait parfaitement que des soldats ne découvriraient pas le chemin par où nous sommes venus.

Et il siffla par trois fois, d’une façon particulière. Ce fut un singulier spectacle, de voir, au premier coup, toutes les torches s’immobiliser, comme si leurs porteurs étaient saisis de crainte ; et, au troisième, le va-et-vient reprendre comme devant.

Après avoir ainsi rassuré le monde, nous descendîmes la bruyère, et fûmes accueillis à la porte de la cour (car l’endroit ressemblait à une ferme cossue) par un grand bel homme de cinquante ans passés, qui interpella Alan en gaélique.

– James Stewart, dit Alan, je vous prierai de parler écossais, car ce jeune gentilhomme qui est avec moi ne connaît pas notre langue. Voici, dit-il en passant son bras sous le mien, un jeune gentilhomme des Basses-Terres, et un laird dans son pays, en outre, mais je crois plus sain pour lui de ne pas prononcer son nom.

James des Glens se tourna un instant vers moi, et me salua de façon courtoise ; puis s’adressant de nouveau à Alan :