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les habits-rouges, s’écria Alan. Non, monsieur, si vous voulez soixante guinées, méritez-les, en me mettant chez moi.

– C’est risquer mon brick, monsieur, dit le capitaine, et votre vie par-dessus le marché.

– À prendre ou à laisser, dit Alan.

– Seriez-vous capable de nous piloter, au moins ? demanda le capitaine qui réfléchissait, en fronçant les sourcils.

– Ma foi, j’en doute, dit Alan. Je suis plutôt un homme de combat (comme vous avez pu en juger) qu’un homme de mer. Mais j’ai été assez souvent pris et déposé sur cette côte pour savoir quelque chose de sa configuration.

Le capitaine hocha la tête, de plus en plus renfrogné.

– Si j’avais perdu moins d’argent par ce malheureux voyage, dit-il, j’aimerais mieux vous voir pendu plutôt que de risquer mon brick, monsieur, mais qu’il en soit comme vous le désirez. Aussitôt que j’aurai un peu de vent de côté (et cela va venir, ou je me trompe beaucoup) nous nous y mettrons. Mais il y a encore une chose. Nous pouvons rencontrer un vaisseau royal, et nous serions visités, monsieur, sans qu’il y ait de ma faute ; il y a des croiseurs devant cette côte, et vous savez pour qui. Or, monsieur, si cela devait arriver, vous me laisseriez l’argent.

– Capitaine, dit Alan, si vous apercevez une enseigne royale, ce sera votre affaire de fuir. Et maintenant, puisque vous êtes, paraît-il, un peu à court de brandy à l’avant, je vous propose un échange : une bouteille de brandy contre deux seaux d’eau.

Telle fut la dernière clause du traité. Elle fut dûment exécutée des deux parts ; et ainsi Alan et moi nous pûmes enfin laver la dunette, et effacer les traces du carnage, et le capitaine et M. Riach retrouvèrent leur bonheur, qui avait nom : boire.


XII. Où il est question du Renard-Rouge


Nous n’avions pas achevé de nettoyer la dunette, qu’une brise se leva, du N. -N. -E. Elle emporta au loin la pluie et amena le soleil.

Une explication est ici nécessaire, et le lecteur fera bien de suivre sur la carte. Le jour où le brouillard nous enveloppa et où nous coulâmes le bateau d’Alan, nous avions embouqué le Little Minch. Le soir après la bataille, nous étions en panne à l’est de l’île Canna, ou plus exactement entre celle-ci et l’île Eriskay située au sud de Long Island. Or, de là, pour gagner le loch Linnhe, le plus direct eût été de passer par le Sound