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mais se retira dans le fond de la cuisine, où il s’assit, boudant. Mais je m’en allai le retrouver, lui pris la main, et le remerciai d’avoir été l’instrument principal de mon succès ; et alors il retrouva peu à peu son sourire, et se laissa enfin persuader de se joindre à la société.

Cependant, on avait rallumé le feu et débouché une bouteille de vin ; on tira du panier un bon souper, auquel Torrance et moi fîmes honneur, ainsi qu’Alan. Le notaire et mon oncle passèrent dans la pièce voisine pour délibérer. Ils restèrent enfermés une heure ; durant ce laps de temps, un accord fut conclu, et mon oncle et moi scellâmes le contrat d’une cérémonieuse poignée de main. Aux termes de cet acte, mon oncle s’engageait à solder les honoraires de M. Rankeillor et à me payer les deux tiers nets du revenu annuel de Shaws.

Ainsi le mendiant de la ballade était de retour chez lui ; et quand je me couchai cette nuit-là sur les coffres de la cuisine, j’étais un homme riche et portant un nom dans le pays. Alan, Torrance et Rankeillor dormirent et ronflèrent sur leurs dures couches ; mais pour moi qui avais passé sous le ciel et sur la terre et les cailloux tant de jours et de nuits, et souvent l’estomac vide et dans la crainte de la mort, cet heureux changement dans ma situation me démoralisa plus que nulle autre des néfastes vicissitudes qui l’avaient précédé ; et je restai jusqu’à l’aube à regarder les reflets du feu au plafond et à faire des plans d’avenir.


XXX. Au revoir

En ce qui me concernait personnellement, j’étais arrivé au port, mais j’avais toujours Alan sur les bras, Alan à qui j’étais si redevable, et je voyais sous un jour tout nouveau le meurtre, et James des Glens. Sur ces deux chapitres, je m’ouvris à Rankeillor, le lendemain matin vers six heures, en nous promenant de long en large devant le château de Shaws, d’où l’on découvrait à perte de vue les champs et les bois qui avaient appartenu à mes ancêtres et qui m’appartenaient aujourd’hui. Tout en discutant ces graves questions, mes yeux parcouraient ce paysage avec délices et mon cœur bondissait d’orgueil.

Sur l’évidence de mon devoir à l’égard de mon ami, le notaire n’avait aucun doute ; je devais à tout prix l’aider à quitter le pays. Au sujet de James, néanmoins, il était d’un avis différent.

– M. Thomson, dit-il, est une chose, et le parent de M. Thomson en est une tout autre. Je connais mal les faits, mais je présume qu’un