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rappeler qu’il est tout à fait superflu qu’il en sache plus, tant sur vos aventures que sur celles de M… hum ! de M. Thomson.

En conséquence, tous deux nous précédèrent, enfoncés bientôt dans leur conversation, et Torrance et moi leur fîmes escorte.

La nuit était tout à fait tombée quand nous arrivâmes en vue du château de Shaws. Dix heures devaient être sonnées ; il faisait doux et obscur, avec un agréable zéphyr du sud-ouest dont le bruit dans les feuilles couvrait celui de nos pas ; et en approchant, nous n’aperçûmes aucune trace de lumière sur toute la façade. Sans doute, mon oncle était-il déjà au lit, ce qui convenait mieux pour notre plan. À une cinquantaine de yards de la porte, nous chuchotâmes nos dernières dispositions ; puis le notaire, Torrance et moi, nous avançâmes en silence et nous dissimulâmes derrière l’angle de la maison. Dès que nous fûmes en place, Alan marcha vers la porte sans se cacher et se mit à frapper.


XXIX. J’entre dans mon royaume

Durant plusieurs minutes, Alan heurta sur l’huis à tour de bras, sans que ses coups éveillassent d’autres échos que ceux de la maison et du voisinage. À la fin, cependant, je perçus le bruit d’une fenêtre qu’on relevait doucement. À l’obscure clarté du ciel, il devait voir Alan debout comme une ombre noire, sur le perron ; les trois témoins étaient cachés entièrement à ses regards ; de sorte qu’il n’y avait là rien de susceptible d’alarmer un honnête propriétaire. Néanmoins, il scruta d’abord en silence son visiteur, et quand il parla, sa voix eut un accent de menace.

– Qu’est-ce que c’est ? dit-il. Ce n’est pas une heure pour les gens convenables ; et je n’ai rien à faire avec les hiboux de nuit. Que venez-vous faire ? J’ai ici un tromblon.

– Est-ce vous monsieur Balfour ? répliqua Alan, faisant un pas en arrière et regardant au-dessus de lui dans les ténèbres. Prenez garde avec ce tromblon ; c’est dangereux quand ces outils-là explosent.

– Que venez-vous faire ? et qui êtes-vous ? reprit mon oncle, avec colère.

– Je n’ai aucune envie de crier mon nom à tout le voisinage, dit Alan ; mais ce que je viens faire est une autre histoire, car cela vous regarde plus que moi ; et si vous y tenez pour de bon, je vais le mettre en musique et vous le chanter.

– Et de quoi s’agit-il ? demanda mon oncle.

– De David, répondit Alan.

– De quoi, de quoi ? s’écria mon oncle, d’une voix toute changée.