d’un navire ; et leurs troncs semblaient être les montants d’une échelle que nous gravissions.
Tout en haut, et juste à l’endroit où la falaise jaillissait des ramures, nous trouvâmes cette bizarre demeure, connue dans le pays sous le nom de la Cage de Cluny. On avait réuni plusieurs troncs par un entrelacs de petites branches, fortifié de pilotis leurs intervalles et garni de terre battue en guise de plancher le terrain enclos par cette barricade. Un arbre, qui sortait du flanc de la montagne, constituait, tout en vie, la maîtresse-poutre du toit. Les murs étaient de branchages tressés et revêtus de mousse. La forme générale de la maison était celle d’un œuf ; et elle se trouvait à demi suspendue et reposait à demi, comme un nid de guêpes sur un buisson de ronces, dans ce fourré de l’abrupte pente.
L’intérieur pouvait contenir à l’aise de cinq à six personnes. Une saillie de roc avait été ingénieusement transformée en âtre ; et la fumée, s’élevant le long de la falaise et se confondant presque avec sa teinte, devait être peu à peu invisible d’en bas.
Ce n’était là qu’une des cachettes de Cluny ; il avait encore des grottes et des souterrains en divers lieux du pays ; et, d’après les rapports de ses éclaireurs, il passait de l’un à l’autre selon que les soldats se rapprochaient ou s’éloignaient. Par cette manière de vivre, et grâce à l’affection de son clan, non seulement il était demeuré toute cette période en sûreté, alors que tant d’autres avaient fui ou avaient été pris et tués, mais il demeura encore quatre ou cinq années avant de passer finalement en France, sur l’ordre exprès de son maître. Il ne tarda pas à y mourir, et il est curieux de songer qu’il dut y regretter sa Cage du Ben Adler.
En arrivant sur le seuil, nous le trouvâmes assis devant la cheminée de roc, en train de surveiller les apprêts culinaires. Il était vêtu très simplement, avec un bonnet de nuit à fronces qui lui couvrait les oreilles, et fumait une mauvaise pipe écourtée. Néanmoins, il avait les allures d’un roi, et ce fut avec majesté qu’il se leva pour nous recevoir.
– Allons, monsieur Stewart, avancez, monsieur, dit-il, et introduisez votre ami dont je ne sais pas le nom.
– Et comment allez-vous, Cluny, dit Alan. J’aime à croire que vous vous portez à merveille, monsieur. Et je suis honoré de vous voir, et de vous présenter mon ami le laird de Shaws, M. David Balfour.
Alan, lorsque nous étions seuls, ne pouvait mentionner mon titre, sans un soupçon d’ironie ; mais avec des étrangers, il faisait résonner les syllabes comme un héraut d’armes.
– Entrez tous deux, messieurs, dit Cluny. Soyez les bienvenus sous mon toit. Cette demeure, certes, est bizarre et rustique ; mais j’y ai reçu, monsieur Stewart, une personne royale… vous savez sans doute de qui je veux parler. Nous boirons un coup à votre santé, et dès que ce mien maladroit de cuisinier aura apprêté les collops, nous dînerons et ferons une partie de cartes, comme il convient à des gentilshommes. Ma vie est un peu monotone, dit-il, en versant l’eau-de-vie ; je vois peu de monde, et reste à me tourner les pouces et à me remémorer un grand jour qui est passé, et à attendre cet autre grand jour qui, nous l’espérons